Thierry Bouillet, cancérologue, et Jean-Marc Descotes, professeur de karaté, ont créé la CAMI, Cancer Arts Martiaux et Informations.

L’Association CAMI aide les personnes cancéreuses à mieux supporter cette maladie et ses traitements grâce à la pratique du karaté. Art de combat, la karaté est également vu comme une activité sportive, mettant en lumière le travail à deux.

 

 

Thierry Bouillet :

« Le discours habituel consiste à dire que le patient cancéreux n’ayant plus une structure corporelle normale, il doit se reposer. Alors oui, ça devrait lui permettre d’être moins fatigué et plus présent, mais en réalité il se passe exactement le contraire. On sait aujourd’hui que le fait de ne pas avoir une activité physique en cours de traitement est un élément péjoratif en terme de qualité de vie, et ceci sur tous les tests de qualité de vie que l’on peut évaluer : le moral, l’auto-estime, les rapports avec les autres et tous les tests de fatigue. On s’aperçoit que tous ces tests de qualité de vie s’influencent de façon négative par le repos alors qu’ils s’influencent de façon favorable par un exercice physique régulier.

On peut faire n’importe quel type de sports. Le seul problème, c’est qu’après un cancer, la personne est complètement destabilisée. Son corps n’est plus rien et il va falloir qu’elle se reconstruise elle-même et qu’elle commence par recommuniquer avec elle-même. Les sports d’équipe sont donc à exclure.
Mais tous les sports type marche, natation… sont également problématiques. Parce qu’il faut trouver un sport qui permette de pratiquer d’abord seul, puis en échange à deux, pour permettre ensuite à la personne de réapprendre à communiquer avec l’autre.
Le karaté semble le sport le plus approprié. Il comporte une très longue phase de préparation seul puis une phase de communication avec l’autre, à deux. Et c’est dans un endroit très protégé de l’extérieur, où on est tous égaux – car tous habillés de la même manière. »

 

Jen-Marc Descotes :

« La CAMI est une association de loi de 1901 dont le but est de pouvoir donner des cours de karaté-do à des gens atteints de pathologies cancéreuses et de leur permettre d’accéder à d’autres particularités des techniques orientales.

La philosophie des arts martiaux vient de ce qu’on appelait le Bushido – la voix des guerriers et des samouraïs. Le Bushido était un code de conduite et un art de vivre propre à cette caste au Japon. Il était censée les amener à avoir une compréhension plus juste et plus vraie de la vie par des conceptions particulièrement liées à la notion de mort – car les samouraïs, étant persuadés qu’ils allaient mourir très rapidement,
essayaient d’avoir une vie la plus remplie et épanouie possible. Il y a une corrélation évidente entre le cancer et la façon dont les samouraïs voyaient l’existence.

Tout travail sur le corps oblige à avoir un rapport à soi et un rapport à sa propre perception – et les deux sont importants. Le paradoxe des arts martiaux, c’est que les deux parties ne sont pas séparables. Pratiquer la partie martiale sans l’art en fait uniquement un sport de combat. Et pratiquer l’art sans la partie combat, c’est prendre uniquement la philosophie et cela nous emmène donc dans une branche plus intellectuelle et plus psychologique. C’est le fait de mélanger les deux qui fait la valeur de l’art martial. Dans le karaté, il y a autant l’aspect philosophique à apprendre à donner un coup de poing que la réalité à le faire.

Une phrase bouddhiste dit : étudier la voix à travers le corps. On peut resumer lhistoire de la CAMI à cela. »

 

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