Sorti en 1989, L’île aux fleurs (Ilha das Flores) est un court-métrage du cinéaste brésilien Jorge Furtado. Récompensé à plusieurs reprises, le documentaire parvient à faire une critique cinglante et drôle de la société… toujours d’actualité presque 30 ans plus tard.

 
 

« Douze minutes ; c’est le temps durant lequel nous suivons le parcours d’une tomate, depuis sa production dans la plantation de M. Suzuki, jusqu’à son point d’arrivée à la décharge publique de l’île aux Fleurs ».

 

 

Dans ce court-métrage, Jorge Furtago utilise la tomate comme fil conducteur. De la plantation de tomates de Monsieur Suzuki au sud du Brésil à l’île aux fleurs, la tomate permet de survoler de nombreux sujets de notre société tels que l’argent, l’agriculture, le commerce, mais aussi la religion, l’antisémitisme et la dignité humaine. Pour cela, le téléspectateur est guidé par une voix off. Le monologue constant de celle-ci est animé par un montage original et de nombreuses digressions. Mais toutes ces digressions sont pourtant liées et permettent de faire des parallèles sur les inégalités qui régissent notre société. Après avoir expliqué la création de l’argent, « l’argent a probablement été créé à l’initiative de Gygès, roi de Lydie, grand royaume d’Asie mineure au VIIème siècle avant Jésus-Christ. Jésus-Christ était un juif », la voix off explique que les juifs sont des êtres humains tandis que des images de camps de concentration et de fosses communes datant de la seconde guerre mondiale défilent. Après une brève mais néanmoins concise explication du commerce et du profit, le court-métrage s’intéresse ensuite aux ordures. Ce sont ces mêmes ordures qui nous emmènent vers l’île aux fleurs. Ici cohabitent des porcs, des ordures et des êtres humains ; ceux qui ont de l’argent et ceux qui n’en n’ont pas. La tomate cueillie au tout début du court-métrage par Monsieur Suzuki, échangée contre de l’argent avec le supermarché, achetée par une femme, jetée aux ordures, puis refusée par le porc est désormais disponible pour les êtres humains de l’île aux fleurs. Cette classification qui positionne l’être humain en bas de l’échelle est due au fait de n’avoir ni argent, ni propriétaire. Après onze minutes d’un débit régulier et continu, la voix off termine son monologue par une citation de la poétesse et défenseur de la liberté Cecília Meirelles : « Liberté est un mot que le rêve humain alimente. Il n’existe personne qui l’explique et personne qui ne le comprenne ».

 

L’île aux fleurs a obtenu 17 prix internationaux, dont l’Ours d’argent à Berlin en 1990 ainsi que les prix de la presse et du public au Festival de courts métrages de Clermont-Ferrand en 1991.

 
 

Sarah Belnez pour Sereni Magazine.