Bob Patton, University of Surrey

 

Selon de nouvelles directives britanniques visant la consommation d’alcool, les hommes et les femmes ne devraient pas absorber plus de 14 unités par semaine (1 unité égale 10 grammes d’alcool pur). Précédemment, les autorités sanitaires préconisaient un plafond plus élevé pour les buveurs anglais masculins. Voilà donc un changement considérable. Alors, quelle est la preuve que ces limitations ne devraient-elles plus se fonder sur le genre masculin-féminin ?

 

La plupart des pays qui ont mis en place des directives sur l’absorption d’alcool affichent des seuils plus élevés pour les hommes que pour les femmes. On sait que, physiologiquement parlant, les femmes sont plus vulnérables aux effets toxiques de ce qu’elles boivent. Verre pour verre, elles encourent un risque plus élevé de problèmes liés à l’alcool comme la dépendance, l’exposition à certains cancers (le foie, la bouche, l’estomac) ainsi que d’autres troubles physiques et psychologiques.

Les femmes, enceintes ou non, sont plus à risque avec l’alcool.
MPD01605/Flickr, CC BY-SA

 

Une interaction complexe de la génétique, de l’environnement, de la personnalité et des motivations d’un individu contribue à la survenue de ces problèmes éventuels. Les différents facteurs de risque auxquels sont confrontés les hommes et les femmes sont particulièrement visibles à de hauts niveaux de consommation – ce que nous appelons désormais « boire avec un risque accru ». À savoir, les hommes qui avalent régulièrement plus de 3 ou 4 unités par jour et les femmes qui en sont à plus de 2 ou 3 unités. Mais, à des doses plus faibles, ces différences ne sont pas aussi nettes.

 

Un risque acceptable

 

Les dernières recommandations se fondent sur des données fournies par l’université de Sheffield. Quelqu’un qui boit tous les jours mais qui ne dépassent pas les 14 unités d’alcool par semaine, celui-là a moins de 1 % de « chance » de mourir d’une maladie liée à sa consommation d’alcool, et cela tout au long de sa vie. Un pour cent, c’est le taux qu’a adopté le comité des directives comme étant le niveau maximal de risque acceptable par le public. Ce pourcentage a été présenté comme équivalent au risque de mourir dans un accident de la circulation. (En réalité, les statistiques de mortalité routière sont encore plus faibles : moins de 0,5 dans l’espace d’une vie.) Mais la plupart des gens ne boivent pas tous les jours si bien que, pour la majorité de la population, la situation est un peu moins claire.

 

Ainsi, ce qui compte, ce n’est pas seulement quelle quantité d’alcool nous ingurgitons, mais aussi à quelle fréquence, une fréquence moindre étant associée à un risque plus élevé. Selon l’étude de Sheffield, les hommes buvant en une seule et unique occasion 14 unités hebdomadaires d’alcool augmentent de 4,5 % leur risque de décès par maladie liée à la boisson. Pour les femmes, avec la même consommation, bue en une seule fois, le risque est de 2 %.

 

Il est intéressant de noter qu’avec le niveau d’alcool défini par la nouvelle directive, les hommes encourent presque plus de 5 fois (0,99 %) de risque mortel que les femmes (0,18 %). Mais au total, toujours inférieur à 1 %. Si nous prenons en considération la préconisation précédente de 21 unités par semaine pour des hommes buvant 7 jours sur 7, la fatalité d’un décès associé à l’alcool augmente à 3 %. Compliqué, n’est-ce pas ?

 

Le message envoyé par les nouvelles directives l’indique : il n’existe aucun « niveau de sécurité » en ce qui concerne l’absorption d’alcool mais ces directives ne vont pas jusqu’à recommander l’abstinence comme étant la meilleure politique. En fait, l’étude menée à Sheffield montre ce qui se passe, à la fois pour les hommes et les femmes ingérant jusqu’à 7 unités par semaine quand elles sont étalées sur au moins 3 jours : un effet protecteur par rapport au risque de décès lié à une pathologie alcoolique. Pour les hommes, le bénéfice est minime (0,1 % d’amélioration) comparé à celui des femmes (plus de 2 %).

 

Une meilleure façon de présenter les données

 

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Étant donné qu’il y a des différences significatives bien connues entre les réactions des hommes et celles des femmes face aux effets de l’alcool (en prenant en compte tout l’éventail de quantités et de fréquences d’absorption), une difficulté apparaît : il est compliqué, sinon impossible, d’enfermer toute cette diversité en une seule recommandation qui déterminerait les limites optimales de consommation évitant le risque de mourir à cause de l’alcool.

 

Il vaudrait mieux centrer l’information sur les risques relatifs qu’engendre une consommation accrue. Cela permet une comparaison avec les non-buveurs. Par exemple : « Par rapport aux abstinents, les hommes ingurgitant 5 unités d’alcool par jour risquent trois fois plus la mort par cirrhose du foie ». En fait, le comité d’experts qui a aidé à élaborer ces directives a jugé que cela aurait pu être la meilleure façon d’établir un lien entre boisson et décès.

 

La situation est complexe. Certes, il apparaît nettement qu’une diminution de la consommation d’alcool entraîne des bénéfices à la fois pour la santé et le corps social ; mais ce qui n’est pas clair, c’est le raisonnement sous-tendant le chiffre limite de 1 % comme niveau de risque acceptable. Pas claire non plus l’hypothèse sous-jacente selon laquelle ceux qui boivent le feraient tous les jours.

 

C’est une stratégie risquée que de vouloir fournir un avis utile sur la consommation d’alcool sans tenir compte des différences hommes-femmes. Si ces directives ne trouvent aucun écho parmi ceux d’entre nous qui choisissent de boire, elles vont tout simplement être ignorées et cela ne fera aucun bien à qui que ce soit.

The Conversation

Bob Patton, Lecturer in Clinical Psychology, University of Surrey

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.