Ce conte écrit et raconté par Cyrielle Clair nous emmène sur les terres d’origine de notre délicieuse présentatrice Penda Niang, le Sénégal. En aucune manière il ne s’agit d’un texte traditionnel raconté par un griot sous son « arbre à palabres », mais d’un voyage intérieur dans les espaces universels de l’amour.


Nous tous cherchons l’amour comme un trésor ultime. Cyrielle nous raconte l’histoire d’un jeune Africain qui a entendu parlé d’un arbre extraordinaire et qui va entamé un voyage épuisant à la recherche de son mystère.


Cyrielle Clair nous fait l’honneur de façon amicale et complice de venir de temps à autre pour participer à la grande aventure de SereniTV. Merci Cyrielle du fond du cœur.

 
 

L’Arbre d’amour

 

Il y avait au Sénégal, un arbre extraordinaire, un arbre millénaire. De tous les coins du pays, on venait en pèlerinage consulter ce géant, ce vieux sage.
« Un arbre géant, d’accord. Mais comment un arbre peut-il être sage ? » Fetnat, un petit Sénégalais né il y a 7 ans, un 14 juillet, s’interrogeait. Il avait entendu parler de cet arbre mythique, magique, qui avait le pouvoir de parler au coeur des Hommes.
« Un arbre qui parle ? » Fetnat était drôlement admiratif. Mais aussi un tout petit peu dubitatif. Il n’arrivait pas à croire que cela puisse exister. Bref, il doutait.

 

Soir après soir, depuis qu’il avait entendu parler de cet arbre, il se posait la même question : « Et si cela était vrai? »
« Il existe peut-être, cet arbre aux pouvoirs magiques. Ou alors il n’existe pas. Comment peut-il bien être ? A quoi ressemble-t-il ? Est-ce que tout le monde est capable de comprendre ce qu’il dit ? Et que dit-il ? » Toutes ces questions le taraudaient. A la fin de la nuit, épuisé par tant de questionnements, il finissait par s’abandonner à quelques heures d’un trop bref sommeil. Et tous les matins, il se réveillait insatisfait. Il ne savait toujours pas, si cet arbre très grand et très sage était bien réel.
Finalement, après des jours de suppositions, de certitudes puis de déni, l’enfant pris la décision d’aller à la rencontre de la vérité. Il alla en secret consulter le marabout du village. Un marabout ? Euh, c’est une sorte de magicien dont les yeux sont capables de voir un peu plus loin que ceux des autres. Enfin, que ceux des personnes ordinaires. En fait, il connaît bien les anciens, étant lui-même un ancien. Et il peut donc profiter de toutes les expériences accumulées des uns et des autres, pour conseiller avec justesse les plus jeunes et présumer de leur avenir. Il y a un marabout dans chaque village. Mais tous ne se ressemblent pas. Celui-ci était un viel homme au visage sculpté de profondes rides d’où jaillissaient l’éclat pénétrant de son regard noir. Il écouta Fetnat avec une attention bienveillante. Puis, du bout de son bâton, il traça au sol le déroulé de la route qui conduirait l’enfant jusqu’à son but.
Il le mit en garde contre la fatigue et la solitude du chemin. Puis, devant la détermination inébranlable de l’enfant, il lui souhaita un bon voyage et lui offrit son bâton pour chasser les serpents. Ainsi qu’un grelot, pour éloigner les scorpions. L’enfant le remercia chaleureusement. Puis il confectionna un petit baluchon avec un pan de tissu coloré, dans lequel il enveloppa quelques dattes sèches et un gros morceau de pain. Pour le reste, il se dit qu’en cheminant le long de la rivière, comme le lui avait conseillé le marabout, il pourrait se désaltérer et aussi cueillir quelques fruits sauvages. Et il se mit en route.

 

Il marcha trois jours durant, ne s’arrêtant et ne se reposant que très brièvement, tant il était pressé d’arriver. Et aussi parce qu’il n’était pas trop rassuré. Il avait décidé de ne pas dormir du tout pendant ses courtes haltes nocturnes.
Quand, enfin, il l’apperçut, d’aussi loin quil fut certain qu’un mirage ne l’abusait pas, il se mit à courrir. Malgré la fatigue et la chaleur d’un soleil zénithal. Il ralentit lorsqu’il fut tout près, à une dizaine de mètres environ. L’arbre était vraiment imposant. Jamais il n’en avait vu d’aussi grand. Il était non seulement très très haut, mais aussi très très très large. Ses branches s’étalaient loin autour de lui. Elles étaient épaisses de milliers de rameaux, surlesquelles s’accrochaient de multitudes de petites feuilles presque rondes, brillantes, comme si elles avaient été vernies. Et d’un vert si intense qu’il parraissait presque bleu. Majestueux… Son tronc avait un diamètre impressionnant. Fetnat se demanda combien de bras seraient nécessaires pour en faire le tour.
Il y avait beaucoup de monde autour de l’arbre. Mais personne ne parlait. chacun paraissait comme, recueilli. Certains priaient, à genoux, d’autres marchaient en cercle en secouant la tête, d’autres encore, allongés, au sol, semblaient dormir, ou même morts. Fetnat s’approcha. Tout de suite, il eut envie de coller son jeune corps à la peau douce d’enfance contre l’écorce rugueuse de ce géant millénaire. Il resta ainsi longtemps. Les bras écartés, la joue plaquée, il écoutait. Ce qu’il entendit n’était pas à proprement parlé un langage. Non, plutôt comme des ondes, des vibrations. Mais il ne fut pas déçu. Ce qu’il ressentait était indicible. Mais il se sentait si bien. Toute trace de fatigue s’était évanouie. Mais pas comme après que l’on ait bien dormi. Non, non, non. C’était beaucoup mieux que ça. C’était, comme si on avait rechargé ses batteries. Il se sentait tout neuf à l’intérieur. Et plein d’une énergie rayonnante. Il savait qu’il venait de faire une grande rencontre.
Puis il fit comme tous ceux qui étaient venus à la rencontre de ce grand sage. Il lui suffisait de les observer, et d’effectuer à son tour les gestes d’un rituel infaillible. Avec la pointe d’une petite pierre de silex, qu’il trouva là, il inscrivit son nom dans l’écorce étonnament tendre, puis il entoura d’un cercle tracé avec le mélange d’une larme et d’une goutte de son sang, et il s’allongea au pied du grand sage en offrant son coeur. Ca, personne ne le lui a expliqué, puisque chacun gardait le silence, mais, il le comprit, instinctivement. Dans le secret de ses pensées, il confia au géant, son voeu le plus cher et ferma les yeux. Aussitôt le sommeil l’enveloppa de sons souffle léger.

 

Au réveil, il constata que l’arbre avait déjà cicatrisé. Plus aucune trace de la plaie de la veille, mais sous le rameau de la branche sous laquelle il s’était assoupi, il retrouva son nom, inscrit sur l’une de ces si jolies petites feuilles vert-bleu. Il était à la fois surpris, ravi, mais pas franchement étonné. Il retourna la feuille, pour tenter de déchiffrer dans les arabesques de ses nervures, une confirmation, une réponse, un gage de son voeu, un message. Et soudain, la joie envahit tout son être. Il venait de lire le mot « amour ». Fetnat était l’enfant le plus heureux de la terre. Et comme lui, chacun repartait, avec, pressé contre son coeur, une toute petite feuille ronde, brillante et bleutée, sur laquelle était inscrit le mot « amour ». C’était cela, le pouvoir extraordinaire de cet arbre magique. L’arbre d’amour.

 

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