Suivons une école de Kung-Fu installée sur le lieu-même de l’éveil du Bouddha Sakyamuni. A priori, il peut être étrange et contradictoire de mêler ainsi un art martial et la sagesse du Bouddha.

Mais rappelons-nous que « Gong » désigne la « maîtrise » et « Fu » les techniques vues comme contenu. Il est possible de dire qu’un pratiquant vit le « gong fu » en cuisine ou en jouant d’un instrument. Il est possible donc de pratiquer un art martial dans la maîtrise qui se rapproche de l’enseignement du Bouddha, l’action juste, la vison juste, l’attitude juste.

Dans cette démarche, nos apprentis et très jeunes pratiquants n’en sont encore qu’aux prémisses.

 
 

« C’est depuis une influence indienne que le Kung-Fu a pris naissance en Chine.
Rappelez-vous, Bodhidharma, un moine bouddhiste originaire de la ville de Kânchîpuram, près de Madras, partit en Chine vers 530 après Jésus Christ, afin d’y diffuser le mahayana ; le bouddhisme du Grand Véhicule. Bodhidharma a également reçu une autre influence : celle des arts martiaux, à travers une pratique très ancienne ; le silambam, une technique de combat venue du Tamil Nadu, au sud de l’Inde.

Arrivé au Temple de Shaolin en Chine, il enseigna aux moines la doctrine bouddhiste et les initia également au yoga et au silambam ; ce qui donna naissance au Kung-Fu wushu. Un proverbe chinois dit : « Tous les arts martiaux de ce monde furent créés sous le soleil de Shaolin. »

Après une méditation de plusieurs années, Bodhidharma enseigna ces techniques, aguerrissant à la fois le corps et l’esprit. Soumis à un entraînement régulier, les moines améliorèrent leur conditions physiques et leur santé. Ils purent ainsi poursuivre leur travail quotidien avec plus de vigueur et leur travail spirituel avec plus de conviction.

C’est un maître des arts internes, le maître Wong Ying Xiang, qui nous fait finalement comprendre la signification réelle des enseignements de Bodhidharma. Le maître explique que c’est Bodhidharma qui a introduit en Chine la notion de Wu De, la vertu martiale. Il faut entendre par là, les qualités de discipline, de retenue, d’humilité et de respect de la vie humaine du véritable guerrier.

Avant l’arrivée de Bodhidharma, ceux qui pratiquaient les arts martiaux en Chine s’entraînaient surtout pour se battre et passaient leur temps à brutaliser les faibles. Bodhidharma apporta le Wu De qui enseigne que les arts martiaux, loin d’être pratiqués dans un esprit combatif, ont en réalité l’objectif d’encourager le développement de l’esprit et du corps. Dans le Kung-Fu, l’intention est essentielle. L’intention précède le souffle, l’énergie. Si l’intention mentale est présente, le geste est juste, l’esprit centré, la conscience non éparpillée, le participant s’unit avec le chaos primordial, véritable retour aux sources. Cet état ne s’obtient pas facilement. Il faut arriver à un équilibre entre le mouvement et l’immobilité. Les maîtres parlent d’action dans l’inaction et d’inaction dans l’action. Au bout de cette pratique, l’immobilité devient le mouvement éternel. A travers la pratique, l’adepte cherche à maîtriser les énergies, aussi bien physiques que mentales et émotionnelles. Bodhidharma, avec son Traité des Tendons, est à l’origine du Qi gong – l’énergie interne circulant à travers les douze méridiens et les deux axes ; dumai et renmai.

Pratiqué aux niveaux interne et externe, le Kung-Fu sans corrélation étroite avec cette énergie interne, tomberait dans une banale forme physique dont tout âme serait absente. D’où l’importance de préceptes, pour faire de la pratique une discipline de vie que l’on met au service des faibles et de ceux qui souffrent. C’est pourquoi la fusion entre la pratique de combat et le bouddhisme est devenue une évidence pour Bodhidharma. Dans le Kung-Fu, il existe trois centres essentiels à une pratique juste : le dan tian, le coeur et le yi.

– le dan tian est le centre invisible du corps, le réservoir, l’endroit où tout est emmagasiné. Il se situe juste en-dessous du nombril, au centre de la ceinture. La prise de conscience de ce centre est essentielle pour un enracinement profond dans le sol.
– le coeur : être serein, bon et confiant en son coeur. Y développer l’amour et la compassion ; voilà une règle primordiale.
– le yi ou l’intention. Le yi désigne l’intention, la volonté, la force de caractère, de volition, qui trouve son correspondant physique entre les deux yeux, dans un point que l’on appelle généralement le troisième oeil.

Par la suite, la dispersion des moines et de leur enseignement à travers l’Asie contribua à l’apparition de nombreux autres styles d’arts martiaux. C’est ainsi que le Kung-Fu est revenu de Chine à la source du bouddhisme, ici, à Bodh Gaya. Humour de la vie et des influences migratoires… cette école de Kung-Fu permet aux enfants de la rue de recevoir une éducation complémentaire. »

 

• Alain Delaporte-Digard, pour SereniTV.