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Céline Couteau, Université de Nantes et Laurence Coiffard, Université de Nantes

 

L’acide hyaluronique a été découvert en 1934 dans l’humeur vitrée de l’œil de bœuf par Karl Meyer et John Palmer. Son nom est lié à son lieu de découverte (la hyaloïde) et à sa structure chimique.

 

Il s’agit, en effet, d’un polymère formé par la répétition de deux motifs de base, acide glucuronique et N-acétylglucosamine. Il faut compter environ 30 000 unités pour former une molécule. Le poids moléculaire en résultant est donc élevé. Il se situe entre 5 et 10 millions de grammes par mole, selon le nombre d’unités de base comptabilisé.

 

L’acide hyaluronique est présent dans de nombreux organes et liquides biologiques (peau, cartilage, liquide synovial…). On considère que 12 grammes d’acide hyaluronique sont présents dans l’organisme d’un adulte pesant 60 kilogrammes. Cette molécule est facilement soluble dans l’eau ; elle possède des propriétés gélifiantes ainsi que des propriétés lubrifiantes et hémostatiques.

 

L’acide hyaluronique en chirurgie esthétique

 

Dans les années 1980, l’effet cicatrisant de l’acide hyaluronique a été très étudié. Il a été montré que cette macromolécule favorise la ré-épithélialisation des brûlures. Son caractère hygroscopique lui confère une grande capacité de rétention d’eau ; on parle de propriétés volumatrices mises à profit dans le traitement des pertes au niveau des lèvres et du visage. Il active, en outre, la synthèse de collagène, protéine responsable de la tonicité du derme et inhibe des enzymes, les métalloprotéinases, impliquées dans la dégradation des fibres de collagène. Cela lui confère des propriétés anti-âge intéressantes.

 

L’acide hyaluronique est utilisé à ces fins à partir des années 1990, lorsqu’il est injecté localement, dans le cadre d’une pratique de chirurgie esthétique. La spécialité Restylane constitue l’une des premières à avoir été proposée. L’acide hyaluronique présente l’avantage par rapport au collagène d’être constant d’un point de vue structural quelle que soit son origine, associée à une absence de pouvoir allergisant, ce qui est appréciable. On utilise pour le désigner le nom de filler qui peut se traduire en français par matériel de comblement.

 

Applications cosmétiques

 

Fascinée par le succès remporté par cette molécule dans le domaine de la chirurgie esthétique, l’industrie cosmétique ne tarde pas à s’en emparer. À peine les injections de collagène et d’acide hyaluronique sont-elles popularisées que l’on voit déferler sur le marché des cosmétiques à base de ces biopolymères. Jeanne Gatineau est l’une des pionnières dans le domaine avec un sérum surconcentré (bien sûr ! – voir à ce sujet notre article sur les sérum) associant vitamine A et acide hyaluronique.

 

Un sérum se doit d’être fluide.
xaviervandeputte0/Pixabay

Pour obtenir un sérum suffisamment fluide, il est impossible d’un point de vue galénique d’incorporer de forts pourcentages d’acide hyaluronique. Cette molécule de haut poids moléculaire est, en effet, un gélifiant hors pair qui épaissit à merveille toutes les préparations trop fluides. Dans les années 1990, La Prairie décide d’associer l’acide hyaluronique aux céramides (très en vogue à l’époque) et à des ingrédients plus intemporels tels que le miel ou les algues.

 

Le sérum en question baptisé « Age management » s’adresse clairement aux femmes actives qui managent des équipes. Le langage employé parle donc tout naturellement à la femme de pouvoir et d’action auquel il s’adresse. Le management de sa peau à l’aide de ce sérum « précieux » lui semble tout à fait crédible tant elle est habituée à être obéie au doigt et à l’œil…

 

En 2011, l’acide hyaluronique est toujours une valeur sûre. Il apparaît, en effet, au catalogue des Actifs purs, actifs commercialisés par les laboratoires Etat Pur (gamme de cosmétiques sur mesure du groupe Bioderma/Esthederm). L’actif A06 dosé à moins de 1 % en acide hyaluronique (contraintes galéniques obligent) pourra être incorporé dans une crème de base (dite biomimétique) adaptée au type de peau de la consommatrice.

 

Molécule d’acide hyaluronique.
Edgar181/Wikipédia

La marque Skeen se présente quant à elle comme la championne toutes catégories avec un gel-crème aux fortes doses ( ! ! !) d’acide hyaluronique pur. La presse féminine s’émerveille, parlant d’une véritable « bombe cosmétique » et n’hésitant pas à comparer les résultats obtenus avec ceux d’une injection en cabinet. La concurrence suit : By Terry propose une base teintée de comblement « Hyaluronic Face Glow » aux molécules d’acide hyaluronique fouettées ! ! ! Pas de doute, cette molécule utilisée dans les cosmétiques depuis les années 1980 est encore pleine de ressources et les services marketing sauront toujours nous la présenter comme un actif particulièrement innovant.

 

L’utilisation de cosmétiques à base d’acide hyaluronique est et sera certainement toujours plébiscitée par les femmes soucieuses de paraître jeunes mais peu enclines à passer le pas de la chirurgie esthétique. Obtenir un résultat analogue à celui obtenu avec une injection en s’appliquant journellement un sérum ou une crème anti-âge de texture agréable et au parfum divin paraît tout de suite beaucoup plus sympathique que de devoir passer entre les mains d’un chirurgien.

 

L’acide hyaluronique, en injection ou en crème ?

 

Il faut noter que les résultats escomptés ne peuvent être atteints que lorsque l’on injecte ce matériau de comblement. On sort alors résolument du domaine des cosmétiques puisque ces derniers ne peuvent en aucun cas être administrés de cette manière. Soyons claires : une utilisation topique ne sera qu’illusoire ! La peau pourra être lissée par un effet mécanique de façon temporaire, elle ne pourra en aucun cas être régénérée en profondeur. L’acide hyaluronique restant à la surface de la peau, du fait de son poids moléculaire élevé, il ne pourra sûrement pas exercer une action repulpante en profondeur.

 

Et malgré tout, en 2016, l’acide hyaluronique est encore très présent dans les formules à visée anti-rides. Citons par exemple la gamme Rexaline dont le nom n’est pas sans rappeler celui du dispositif médical Restylane (forme injectable). À défaut de repulper la peau, comme certains argumentaires le laissent habilement supposer, ces produits de soin constituent, sans nul doute, d’excellents agents hydratants que l’on aurait tort de bouder.

 

The Conversation

Céline Couteau, Maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes et Laurence Coiffard, Professeur en galénique et cosmétologie, Université de Nantes

 

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

 

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